Automne 2014
Dans Le malaise dans la culture, Freud, répondant à Romain Rolland, considère « le sentiment océanique » comme une tentative pour dénier « le danger où le Moi discerne une menace émanant du monde extérieur ». Il y aborde aussi l’agressivité, réel incontournable, comme « une disposition pulsionnelle originelle et autonome de l’être humain » dans laquelle la civilisation « trouve son plus gros obstacle ».
Cette agressivité, qui peut être considérée comme la manifestation saine de la vitalité chez les animaux, sous quelles formes se présente-t-elle au psychanalyste dans la clinique contemporaine ? Comment la mythologie, l’art et les contes permettent-ils au sujet de la lier et de l’inscrire dans une démarche culturelle ? En quoi le travail psychanalytique en autorise-t-il la transformation grâce au rêve et à la reconnaissance du désir inconscient ? Quelle lecture psychanalytique peut-on faire de cette « démence de masse », engendrée par l’expansion du numérique engluant les sujets dans un retournement qui, d’utilisateurs, les transforme en produit de consommation ?
Des élaborations cliniques et théoriques sont proposées dans ce numéro de Surgence à partir de ces questions.
À la lumière de S. Freud, dans Le malaise dans la culture, il existe trois pulsions principales dont les forces s’opposent et se conjuguent chez l’homme. La pulsion narcissique est celle qui relève de la toute petite enfance et qui tend à préserver le corps propre de l’individu. La pulsion érotique tend à la prolongation de l’espèce en favorisant la relation d’objet.
Enfin, la pulsion de mort est celle des trois qui travaille de l’intérieur dans le but de s’autodétruire. Elle n’est pas toute mauvaise et peut se mettre au service de l’Éros quand elle s’oppose à quelque chose d’extérieur à l’individu.
Dans la clinique de l’enfant et de ses parents, l’agressivité est souvent prégnante. Elle nous empêche parfois même d’engager le travail. De quelle nature pulsionnelle relève-t-elle chez chacun des protagonistes ? Un cas clinique nous renseigne sur la fonction surmoïque des cris de l’enfant à l’égard de ses parents et sur la maltraitance psychique que ces derniers peuvent infliger à leur enfant quand leur propre narcissisme domine leurs préoccupations.
Ce travail pour démontrer que l’agressivité, expression de la pulsion de mort, pourrait être récupérée et transformée dans le rêve. Processus bien plus créatif que la rigidité d’un Idéal du Moi qui comme chacun sait contraint le sujet hystérique à l’« acting-out » ou au passage à l’acte.
L’agressivité n’est non seulement pas une anomalie chez les animaux mais peut être considérée comme une manifestation saine de leur vitalité. L’agression est une réponse comportementale adaptée à des situations variées.
Les animaux expriment leur agressivité par des messages vocaux et corporels. Une analyse phonétique met en évidence d’importantes correspondances entre les vocalises agressives des animaux, les mots inventés par les humains pour les désigner et leur propre vocabulaire de l’agressivité.
Se déployant à partir de l’invention du métier à tisser, de l’informatique, d’Internet, ce texte explique comment la technologie numérique est née, ce qu’elle est et vers quoi elle tend, ses enjeux économiques colossaux pour des entreprises qui savent y engluer de façon inextricable des sujets utilisateurs devenus produits de consommation, sujets qui s’y soumettent avec une grande jouissance et désormais autoalimentent ce business-model.
Quelle lecture analytique apporter à cette névrose de masse, quelles questions se poser et comment y répondre en clinique ? Le rapport à l’informatique, la jouissance avec laquelle on s’y vautre relèvent-ils d’un certain rapport au père ?
Ce texte est la première partie d’une réflexion qui sera poursuivie lors des prochaines journées de la Libre Association Freudienne, en juin 2015, sur l’informatique.
Agressive mélancolie est, suite à l’exposition consacrée à Van Gogh et Artaud au musée d’Orsay en 2014, une interrogation sur les histoires singulières du peintre et de l’écrivain comédien. La mélancolie qui étreint l’un et l’autre, la mort comme un fil rouge dans leur histoire et le déferlement, parfois, de cette agressivité qui les débordent.
Ce travail permet une recherche sur la clinique de ces analysants chez qui nous découvrons la mélancolie tapie derrière une attitude agressive. Il y
est question de cette mère trop présente mais pour qui le père de l’enfant ne « lui est rien ». Ce « il ne m’est rien » qui semble plonger le fils dans un « je ne vaux rien », générant une angoisse et faisant le lit de la mélancolie.
Dans sa démarche d’autonomisation, soutenu par ses pulsions agressives, l’enfant est confronté au risque de perdre l’être cher. Le conte a pour fonction d’aménager la phobie et d’inscrire le sujet et ses peurs dans une démarche culturelle. Le loup est un des personnages des contes traditionnels, il y incarne le malfaisant, le danger venu d’ailleurs.
Dans un mouvement de régression, les sociétés humaines s’organisent parfois elles aussi, pour désigner de manière caricaturale un étranger qu’il faudrait combattre et réduire à néant, afin de s’épargner le risque d’une dissolution fatale du groupe. Cette fable n’a-t elle pas pour fondement de masquer la dévorante dangerosité du leader, du guide ?
La demande, le désir, le Moi, Le Surmoi et le masochisme sont abordés au regard de quelques séquences de consultations psychanalytiques gratuites.
De quoi se soutient la fan d’une star du rock en attente devant une porte close ? Que faire si la porte s’ouvre ? Jouer avec les mots.
Que nous apprend l’Orestie, seule trilogie du théâtre antique, celle du théâtre d’Eschyle ? De quoi serait signifiante notre résistance à la lecture et au travail des textes tragiques grecs ? La tragédie met en scène ces désirs dont le sujet ne veut rien savoir et qu’il refoule. Par le retour du refoulé qu’elle permet, la tragédie nous « force à reconnaître nos propres profondeurs, où ces impulsions, bien que réprimées, sont toujours présentes », souligne Freud. L’acte du matricide, drame de la pièce, serait signifiant de la coupure, permettant alors de supposer qu’au commencement était l’acte… l’acte symbolique de la césure frappante, pour reprendre les termes de G. Balbo. Ce travail est une lecture, au travers du prisme de la théorie psychanalytique, de cette pièce d’Eschyle couplée à celle de Sophocle, Électre. Il permet aussi de pointer certains questionnements ouvrant à la poursuite du travail entamé.