Pourquoi Freud a cru bon de parler de Lebon ? Dans l'immense champ de la psychologie des foules, il fallait bien partir de quelque chose.
Mais la «foule psychologique» de Freud n'a rien de «l'âme des foules» ni de la race que Lebon assène répétitivement sans jamais étayer.
Pour Freud, la psychologie des foules réfère toujours à l'inconscient individuel. Là où le mercantilisme de Lebon sait utiliser l'émotion du contexte historique de 1895, pour le père de la psychanalyse, l'œuvre de sa vie n'accepte aucun opportunisme politique. Des deux modèles de foule que nous donne Freud, l'Église et l'Armée, je me suis intéressé ici prioritairement aux militaires. La psychologie des foules de Freud s'y caractérise par la suggestion. Mais Freud ne parle pas de la Grande Guerre. La pulsion de mort, penchant à l'agression, est pour Freud le principal obstacle de la culture, peut-être le seul. Est-ce bien encore la culture qui lie libidinalement les hommes anéantis par l'horreur, le trauma, le réel, le néant de sens de la guerre ? Est-ce ce lien qui va construire la puissance politique du nazisme ? La psychanalyse a encore beaucoup à en dire, à partir des conséquences qui ne manquent pas de se faire sentir encore aujourd'hui.